14 Nombres complexes
Nombres complexes
algebra
Bref historique des nombres complexes
L’apparition des racines carrées de nombres négatifs remonte à Héron
d’Alexandrie (env. 75–150 apr. J.-C.), qui, en étudiant le volume d’un
tronc de pyramide, rencontre l’expression , représentant une quantité non réelle.
Au xvie siècle, en Italie, les mathématiciens s’affrontent dans des concours autour de la résolution des équations du troisième degré. Tartaglia (1499–1557) découvre une méthode qu’il transmet à Cardano (1501–1576), lequel introduit des expressions du type , où et . Cette seconde partie, ne pouvant être additionnée à la première, sera appelée partie imaginaire.
Descartes (1596–1650) popularise le terme imaginaire, et Wallis (1616–1703) en propose une interprétation géométrique. Puis, Euler (1707–1783) introduit le symbole , appelé l’unité imaginaire.
Aujourd’hui, les nombres complexes sont essentiels en sciences, notamment pour modéliser le courant alternatif en électrotechnique, et en télécommunications (WiFi, GPS, téléphonie), où les signaux sont traités à l’aide de calculs sur les nombres complexes.
Activité d’introduction 1.
L’ensemble de nombres le plus simple est celui de nombres entiers naturels, noté et qui contient les nombres que vous connaissez depuis longtemps : ; 1 ; 2 ; 3...
Quel est le nombre entier naturel qui ajouté à 7 donne 12 ?
Quel est le nombre entier naturel qui ajouté à 12 donne 7 ?
L’exemple précédent montre que l’ensemble est << insuffisant>> car certaines équations simples n’y trouvent pas de solution. On peut alors utiliser l’ensemble des entiers relatifs, noté , et qui contient et les opposés des entiers naturels (par exemple : ).
Résoudre dans puis dans l’équation : .
Même question avec l’équation : .
De nouveau l’ensemble est en quelque sorte insuffisant pour exprimer les solutions de certaines équations.
De quel autre ensemble de nombres a-t-on au minimum besoin pour que l’équation du ait une solution ?
Dans ce nouvel ensemble quelles sont les solutions de l’équation : ?
Décrire l’ensemble de nombres dont on a besoin au minimum pour que l’équation précédente ait une solution. On notera cet ensemble.
Modifier l’équation précédente pour qu’elle n’admette pas de solution dans l’ensemble des rationnels. Dans quel ensemble faut-il travailler pour pouvoir dire qu’elle a deux solutions ?
Que pouvez-vous dire de l’équation en terme de solutions dans les ensembles de nombres précédents ?
Dresser un schéma qui montre les inclusions successives des ensembles de nombres en donnant à chaque fois une équation qui n’a pas de solution dans l’ensemble, mais en a une dans le suivant.
Activité d’introduction 2. On considère l’équation du second degré suivant : .
Peut-on trouver des nombres réels solutions de l’équation ? Expliquer pourquoi.
Les mathématiciens définissent le nombre imaginaire i tel que , et que donc .
Peut-on utiliser ce fait pour résoudre l’équation, en exprimer la réponse en fonction de i ?
Utiliser la forme canonique pour résoudre l’équation . Donner les racines en fonctions de i.
Forme algébrique d’un nombre complexe
Définition 3. Un nombre complexe est un nombre qui peut s’écrire sous la forme où et sont des réels et un nombre imaginaire tel que .
Vocabulaire
est appelé partie réelle du nombre complexe . On note .
est appelé partie imaginaire du nombre complexe . On note .
L’écriture est appelée la forme algébrique (ou cartésienne) du nombre complexe .
Remarque 4. Les parties réelle et imaginaire d’un nombre complexe sont des nombres réels.
Un nombre complexe de la forme ib est appelé un imaginaire pur.
On note l’ensemble des imaginaires purs.
Exemple 5.
est un nombre complexe de partie réelle et de partie imaginaire .
est un nombre complexe de partie réelle et de partie imaginaire .
est un nombre complexe de partie réelle et de partie imaginaire .
est un nombre complexe de partie réelle et de partie imaginaire .
Remarque 6.
L’ensemble est inclus dans car tout nombre réel est un nombre complexe de partie imaginaire nulle.
Un nombre complexe est réel si et seulement si sa partie imaginaire est nulle.
Un nombre complexe est imaginaire pur si et seulement si sa partie réelle est nulle.
Exercice 7.
Pour quelles valeurs du réel , le nombre complexe : est-il un imaginaire pur ?
Pour quelles valeurs du réel , le nombre complexe est-il un réel ?
Somme, produit et quotient de deux nombres complexes
L’addition et la multiplication dans ont les mêmes propriétés que les opérations analogues dans .
Soient et deux nombres complexes.
Somme
Produit
Quotient
Si
Remarque 8. Pour mettre le quotient sous forme algébrique, on rend réel le dénominateur en multipliant le numérateur et le dénominateur par .
Les puissances de i
Soit et deux entiers naturels non nuls.
On a: et plus généralement :
Exemple 9.
Exercice 10.
Mettre sous forme algébrique les nombres complexes suivants :
, , , , .
Mettre sous forme algébrique les quotients de nombres complexes suivants :
, , .
Remarque 11. La relation d’ordre n’existe pas dans , en d’autres termes, on ne peut pas comparer deux nombres complexes par les symboles et . Par contre la comparaison peut se faire par l’égalité ou la différence .
Égalité de deux nombres complexes
Deux nombres complexes sont égaux si et seulement si ils ont même partie réelle et même partie imaginaire.
En particulier
Conjugué d’un nombre complexe
Définition 12. Soit un nombre complexe de forme algébrique .
On appelle conjugué de et on note le nombre complexe .
Ainsi : et
Exemple 13.
Conséquence 14.
Soit un nombre complexe de forme algébrique et son conjugué. Alors .
Ainsi est un réel strictement positif ou nul si .
Démonstration
La notion de conjugué permet de caractériser les nombres réels et les nombres imaginaires purs parmi les nombres complexes.
et
Démonstration
On note la forme algébrique de .
Remarque 15.
Propriétés du conjugué d’un nombre complexe
Pour tous nombres complexes et :
De plus si ,
Pour tout entier naturel ,
Exercice 16.
Déterminer le conjugué des nombres complexes , et .
Déterminer les nombres complexes tels que soit réel.
Interprétation géométrique
Activité d’introduction 17. Dans un repère orthonormé du plan, on considère les points :
, , .
Placer ces points dans le repère.
Calculer les coordonnées du vecteur
Calculer les coordonnées du milieu du segment .
Calculer la distance .
Déterminer les coordonnées du point tel que le quadrilatère soit un parallélogramme.
Déterminer les coordonnées du point symétrique du point par rapport à l’origine
Déterminer les coordonnées du point symétrique du point par rapport à l’axe
Les droites et sont-elle perpendiculaires ?
Le plan complexe
Dans le plan muni d’un repère orthonormé , on associe un unique point du plan à chaque nombres complexe et réciproquement.
Remarque:En posant et le repère se note aussi .
Ainsi:
à avec et des réels, on associe le point de coordonnées ; on dit que est l’image de et on note .
à , on associe le nombre complexe ; on dit que est l’affixe de , le vecteur ayant les mêmes coordonnées que le point , on dit aussi que est l’affixe du vecteur .
l’axe des abscisses est appelé axe réel, celui des ordonnées est appelé axe imaginaire.
Le plan où les points sont repérés par leurs affixes est appelé plan complexe.
Exemples:
Les points , et ont pour affixes respectives ,
et .
a pour coordonnées donc le vecteur a pour affixe notée .
Remarque 18.
Les point d’affixes et sont symétriques par rapport à l’axe réel.
Les point d’affixes et sont symétriques par rapport à l’origine.
Propriété 19. Pour tous points et du plan complexe,
l’affixe du vecteur est .
le milieu du segment a pour affixe .
le barycentre de et a pour affixe .
Condition d’alignement de trois points
Soit , et trois points distincts et alignés du du plan complexe.
On a par exemple et colinéaires et il existe un réel tel que .
Ainsi : .
À retenir
, et
sont trois points distincts et alignés si et seulement si est un réel.
Exercice 20. Dans le plan complexe, on considère les points , et .
Calculer l’affixe du milieu de et celle du point tel que soit un parallélogramme.
Calculer l’affixe de barycentre de ; et .
Soit le symétrique de par rapport à l’axe réel. Montrer que , et sont alignés.
Forme trigonométrique d’un nombre complexe
Activité d’introduction 21. Le plan orienté est muni d’un repère orthonormé ; et deux vecteurs non nuls.
Vrai ou faux : Préciser si les affirmations suivantes sont vraies ou fausses.
On dit que le repère est direct lorsque .
Si le point , distinct de appartient à l’axe des abscisses alors .
L’ensemble des points tels que est l’axe des ordonnées privé de l’origine.
Si alors les vecteurs et sont colinéaires.
Si les vecteurs et sont colinéaires alors .
Si appartient au cercle de centre et de rayon 1 alors ses coordonnées sont de la forme où est une mesure en radian de l’angle .
Module et argument d’un nombre complexe
Définition 22. Le plan complexe est muni d’un repère orthonormé direct .
Soit un nombre complexe et son image dans le plan complexe. Le module de , noté est la distance : .
Si est non nul, on appelle
argument de , noté
arg, toute mesure en radians de
l’angle orienté :
.
Exemple 23. , , , , , , , .
Conséquence 24.
est réel si et seulement si ou .
est imaginaire pur si et seulement si .
Remarque 25.
Si avec et réels alors
Si les points et ont pour affixe respectives et alors .
Propriétés du module d’un nombre complexe
Pour tous nombres complexes et :
De plus si
Pour tout entier naturel
Propriétés de l’argument d’un nombre complexe
Pour tous nombres complexes et non nuls :
De plus si
Pour tout entier naturel
Interprétation géométrique
Soit deux points distincts et d’affixes respectives et alors .
Soit trois points distincts , et d’affixes respectives , et alors:
.
Démonstration
Conséquence 26. Soit les points distincts , et d’affixes respectives , et alors: .
Condition d’orthogonalité
Les droites et sont perpendiculaires .
Conséquence 1: cas du triangle rectangle
est un triangle rectangle en si et seulement si .
Conséquence 2: cas du triangle rectangle isocèle
est un triangle rectangle en si et seulement si ou .
Démonstration
D’une part càd : d’autre part
Définition 27 (Forme trigonométrique). Soit un nombre complexe non nul; on pose :
,,,
On a alors : et .
On obtient l’écriture qui est appelée forme trigonométrique du nombre complexe .
Passage d’une forme à une autre
Si le nombre complexe s’écrit sous forme algébrique et sous forme trigonométrique alors :
Exemple 28. Déterminons la forme trigonométrique de .
et on trouve et
Exemple 29. Déterminons la forme trigonométrique de .
on trouve et
Exemple 30. Soit .
Déterminons la forme algébrique de .
Première méthode
Deuxième méthode
Exercice 31.
Mettre sous forme trigonométrique les nombres complexes suivants:
a) b) c) .
On considère les deux nombres complexes et .
Déterminer a) b) c) .
Notation exponentielle de la forme trigonométrique
Le mathématicien Léonhard Euler (1707-1783) utilisa la notation pour désigner le nombre complexe de module 1 et d’argument .
On a alors pour tout réel .
Définition 32. Un nombre complexe de module et d’argument s’écrit : . Cette écriture est appelée notation exponentielle de .
Exemple 33. .
Propriété 34. Soit et
Exemple 35. Soit à calculer . Nous avons sous forme exponentielle .
Donc
Exercice 36. On considère les deux nombres complexes et
Donner l’écriture exponentielle des nombres complexes , , , , .
Déterminer l’écriture algébrique de
Le triangle équilatéral
est un triangle équilatéral si et seulement si .
En effet .
Ainsi et
Formules de Moivre et d’Euler
Activité d’introduction 37. Soit
Utiliser la formule de multiplication deux nombres complexes écrits en notation exponentielle pour calculer , , et .
Donner une formule générale de pour .
Que devient la formule pour ?
Activité d’introduction 38. Soit
Utiliser la formule trouvées à l’ Activité 37 pour calculer les sommes suivantes :
, et en simplifiant le résultat.
Quelle est la formule générale de pour .
Propriété 39. (Formule de Moivre) Pour tout réel pour tout entier relatif :
Conséquence 40. et pour tout réel et pour tout entier relatif :
Exemple 41. Soit à exprimer et en fonction de et .
En développant de deux manières
On obtient
En identifiant les parties réelles et les parties imaginaires:
et .
Propriété 42. (Formules d’Euler) Pour tout réel :
Démonstration
et
On en déduit que: et
Exemple 43. Soit à linéariser .
Conséquence 44. et pour tout .
Exercice 45.
Montrer que
Soit
Déterminer les valeurs de l’entier relatif pour lesquelles est réel.
En utilisant les formules d’Euler, montrer que : .
Racines n-ièmes d’un nombre complexe
Activité d’introduction 46. On considère les équations .
Factoriser les expressions puis déterminer toutes les solutions dans .
Mettre toutes les solutions sous forme trigonométrique puis les représenter dans le plan complexe.
Quelles configurations les solutions de la deuxième et troisième forment-elles ?
Peut-on prévoir la configuration formée par les solutions de l’équation ?
Quelle est la configuration formée dans le plan complexe par les solutions de l’équation , ?
Utiliser la représentation géométrique des solutions pour prédire la forme trigonométrique des solutions de l’équation .
Théorème 47 (Racines n-ièmes de l’unité). Pour tout
entier naturel non nul l’équation admet racines
distinctes définies par
Les solutions (ou racines) de l’équation sont appelées racines n-ièmes de l’unité.
Remarque 48. Le plan complexe étant muni d’un repère orthonormé direct . Lorsque , les points-images des racines n-ièmes de l’unité sont les sommets d’un polygone régulier inscrit dans le cercle trigonométrique.
Exercice 49. Déterminer les racines sixièmes de l’unité.
Théorème 50. (Admis) Étant donné un nombre complexe non nul , il existe nombres complexes distincts tels que . Ces nombres sont appelés les racines n-ièmes de . Ils sont donnés par :
Propriété 51. Dans le plan complexe muni du repère orthonormé , les images des racines n-ièmes d’un nombre complexe non nul forment un polygone régulier à côtés inscrit dans un cercle de centre O et de rayon .
Résolution d’équations du second degré
Résolution d’équations du second degré à coefficients réels
Théorème 52. Soit l’équation du second degré (E) d’inconnue : telle que , et .
On pose donc est un réel.
Si alors (E) a deux racines réelles distinctes: et
Si alors (E) a une racine réelle double: .
Si alors (E) a deux racines complexes conjuguées : et
Exemple 53. Résoudre dans l’équation .
et
Racines carrées d’un nombre complexe
Définition 54. Soit un nombre complexe .
Un nombre complexe est une racine carrée de si : .
Déterminer les racines carrées de revient à résoudre dans l’équation : .
Propriété 55. Un nombre complexe a deux racines carrées opposées.
Résolution algébrique de l’équation
Posons et des réels.
On a :
De plus .
Méthode générale pour chercher les racines carrées d’un nombre complexe sous forme algébrique :
Soit une telle racine carrée. Alors et sont solutions du système suivant :
Remarque 56.
On commence par résoudre le système formé par les deux équations (1) et (2) qui a a priori quatre couples solutions. Et compte tenu de l’équation (3), on ne retient que les deux couples tels que le signe de soit celui de .
On se gardera d’appliquer cette méthode dans le cas où est un nombre réel. Les racines carrées de sont alors évidentes, égales à si est positif et à si est négatif.
Exemple 57. Déterminons les racines carrées du nombre complexe .
Soit une telle racine racine carrée.
(1) + (2) permet d’obtenir
(1) - (2) permet d’obtenir
D’après (3) les racines carrées de sont : et .
Résolution d’équations du second degré à coefficients complexes
Propriété 58. Soit l’équation du second degré (E) d’inconnue : telle que , et .
On pose et soient et ses deux racines carrées opposées.
Alors les solutions de (E) sont:
Exemple 59. Résoudre dans l’équation .
On trouve
Alors
Exercice 60. Résoudre dans les équations:
Un exemple d’équation de degré supérieur ou égal à 3
On considère dans l’équation (E) d’inconnue suivante :
a) Montrer que l’équation (E) admet une solution imaginaire et la déterminer.
b) Résoudre l’équation (E).
Solution
a) Soit une éventuelle solution imaginaire pure de (E). On a alors :
sera solution de (E) si et seulement si soit
L’équation admet deux solutions qui sont 1 et 2. On vérifie que seul le réel 2 est solution de l’équation . Il en résulte que le réel 2 est l’unique solution du système précédent.
On en déduit que est l’unique solution imaginaire pure de (E).
D’après le théorème précédent, il s’ensuit que :
où et sont des nombres complexes.
Un développement et une identification terme à terme ( ou la méthode Horner) nous donnent et .
L’équation (E) s’écrit alors ce qui équivaut à :
ou .
On vérifie que les solutions de l’équation (E) : sont :
et .
L’ensemble des solutions de l’équation (E) est donc : .